Nouvelles de Chine

Vendredi 29 Juillet 2005 Nouvelles cantonaises
Jeudi 4 Août 2005 Chengdu - Province du Sichuan
Lundi 15 Août 2005 Xining - Province du Qinghai
Vendredi 19 Août 2005 Dunhuang - Désert de Gobi
Samedi 20 Août 2005 Urumqi - Route de la Soie
Lundi 22 Août 2005 Hotan - Désert du Taklamakan
Jeudi 25 Août 2005 Yarkand - L'hospitalité ouïghoure
Samedi 27 Août 2005 Kashgar - Ville mythique
Mercredi 31 Août 2005 Urumqi - La boucle est bouclée
Dimanche 4 Septembre 2005 Lapchuq - La révélation du raisin sec
Samedi 10 Septembre 2005 Shanghai - La Chine des Chinois
Mardi 13 Septembre 2005 Nanjing - Notre premier typhon

Vendredi 29 Juillet 2005 16:27 Nouvelles cantonaises

Nous voilà en Chine depuis samedi dernier et nous trouvons tout juste le temps d’envoyer un mail.

Que de changements en 2 ans ! Nous sommes arrivées à Shanghai sans vêtements de rechange dans nos sacs, seulement ce que nous avions sur nous et nous sommes allées à 430 km/h (grâce au train à lévitation magnétique) chez notre sponsor pour nous faire habiller.

Shanghai, avoir appris le chinois ne nous a pas servi à grand chose car tous les Shanghaiens se sont mis à l’anglais: il y a des cours partout, jusque dans le métro. Apres 4 jours à Shanghai, nous avons retrouvé les trains chinois (24h) et leur musique soporifique (reprises des grands tubes au saxo, au piano puis RnB chinois).

Nous sommes actuellement à Guangzhou où nous visitons la première école chinoise. Nous avons été accueillies comme des reines et l’école nous loge dans un hôtel dont nous n’aurions pas osé rêver... la grande classe ! Ce matin nous avons donné notre premier cours de français aux enfants chinois (qui ne sont pas aussi disciplinés qu’on le croit).

Nous quittons Guangzhou dimanche matin pour Chengdu, plus près des montagnes, après encore environ 24h de train. Alors le véritable voyage commencera, à travers les hauts plateaux du Tibet pour rejoindre la Route de la Soie.

Lundi 15 Août 2005 14:16 Xining - Province du Qinghai

Nous n'avons pas donné de nouvelles depuis longtemps : c'est bon signe! Nous venons de passer 10 jours dans le farwest chinois (provinces du Sichuan et du Qinghai), loin, très loin de la civilisation. D'ailleurs notre première douche date d'hier soir car il n'y avait pas d'eau courante dans les petits villages des montagnes (vive les bassines ! surtout pour se laver les cheveux !). Nous avons donc passé une dizaine de jours dans les royaumes du Kham et de l'Amdo tibétains à une altitude moyenne de 3500m. En sillonnant les routes en bus, nous avons inventé une nouvelle discipline qui fera sensation aux JO de Beijing 2008 : le seat-jumping. Je détiens déjà un record avec un saut de plus de 80 cm de haut qui m'a valu de m'écraser la tête au plafond du bus !

Après Kangding, nous avons retrouvé le petit village de Tagong : il y a 2 ans, nous avions mis 8h pour l'atteindre car la route était un simple chemin de terre et de boue et nous étions les seules Occidentales là-bas. Maintenant, le village est bétonné à la chinoise en imitant le style tibétain, les gamins nous font les poches et il y a même un café qui vend des pizzas, des banana pancakes et propose des horse treks avec nuit sous tente de nomades (vive le voyeurisme !) pour faire triper les citadins que nous sommes. Mais toujours pas d'eau courante. Toujours la même chose, le tourisme passe avant des considérations plus triviales... Nous en sommes aussi responsables.

Heureusement, nous avons rapidement quitté l'asphalte pour prendre les "chemins des écoliers" : Ganzi, Manigango, Serxu, Yushu et maintenant Xining (province du Qinghai), des petits chemins vertigineux, boueux, dans des minibus vétustes ou des voitures défoncées de Tibétains. Nous nous sommes ainsi retrouvées à 11 personnes dans une voiture pas plus grande qu'une 4L ! A côté de moi, la grand-mère tibétaine rondelette portait le costume traditionnel et nos sacs (et nos genoux) ont servi de sièges aux enfants. Sans parler chinois, nous n'aurions pas pu vivre tout ça! Nous avons aussi été invitées à dormir chez l'habitant, dans de belles maisons traditionnelles tibétaines en bois, et nous avons ainsi pu partager un peu leur vie quotidienne (et manger la tsampa : poudre de céréale, beurre rance de yak et eau bouillante qu'on mélange avec les doigts jusqu'à obtenir une boule de pâte qui se déguste avec du yaourt de yak). A Serxu, nous avons du nous cacher car la police inspectait l'hôtel (c'est un bien grand mot !) qui n'acceptait pas officiellement les étrangers : frisson assuré quand on connaît les techniques policières chinoises !

En roulant vers le nord, la montagne est de plus en plus aride, il n'y a plus aucun abri naturel, pas d'ombre, pas d'arbres, seulement des pâturages et des broussailles. Là, il n'y a plus que les nomades pour oser installer leurs tentes noires (ou blanches) et leur troupeaux de yaks, de chèvres ou de moutons. Les rares villages traversés ressemblent à ceux des westerns : une seule rue et la poussière soulevée par les voitures, les motos ou les chevaux des nomades qui viennent vendre la viande (la bête est dépecée et découpée sous les yeux du client bien sûr !) ou le beurre rance de yak. Comme les écoles sont fermées, les enfants passent leurs journées aux Jeunesses Maoïstes, un genre de scouts avec des foulards rouges.

Puis, les montagnes arides se transforment progressivement en steppe et enfin en désert de sable. Hier nous avons vu nos premières dunes, ce qui va devenir chose courante puisque nous prenons le bus (24h en bus-couchettes) demain pour Dunhuang (province du Gansu), vers le désert de Gobi! Là-bas, nous visiterons les grottes bouddhiques de Mogao.

Petite déception : dans cette région du Tibet, on ne tire plus la langue pour dire bonjour... dommage !

Jeudi 25 Août 2005 18:25 Yarkand - L'hospitalité ouïghoure

Bonjour, Yahximusiz !

Nous sommes depuis hier à Yarkand, ville étape de la Route de la Soie et ville des parents de Sophia et Mubarak. Leurs deux familles nous accueillent comme des reines et il est hors de question que nous mangions autre chose que la cuisine délicieuse de leurs mères. Nous nous régalons donc de riz pilaf, de brochettes de mouton (nous allons finir par bêler...), de multiples gâteaux, fruits et fruits secs. Nous nous retrouvons abasourdies à manger seules, servies par nos amies, devant des tables pleines de toutes ces bonnes choses : c'est la tradition quand on reçoit un invité, il ne doit pas y avoir d'espace vide sur la table ! Ce soir, nous sommes même invitées à dormir dans la famille de Sophia.

Avec Sophia et Mubarak, toutes deux étudiantes à Urumqi, nous partageons les problèmes des filles de nos âges : d'un côté l'envie de continuer les études encore et encore, de l'autre la pression des parents qui se demandent quand nous allons bien arrêter. Pour ces 2 femmes ouïghoures, la question se pose plutôt en ces termes : dis donc ma fille, il serait temps de te marier et de faire des enfants. Peu importe ton niveau d'études, de toute façon tu finiras femme au foyer ou au mieux instit dans un village paumé (comme la soeur aînée de Sophia ou celle de Mubarak qui dépérissent dans un petit village avec un boulot qui ne correspond absolument pas à leurs compétences) !

Hier nous avons porté notre premier voile pour visiter la mosquée. Ici les femmes portent le voile à la turque : il couvre simplement une partie des cheveux. Mais certaines femmes ressemblent quand même à la Femme Invisible : un voile épais couvre entièrement leur tête et leur visage, laissant juste les yeux cachés derrière des lunettes de soleil. Le pire pour moi ce sont ces femmes qui portent un épais voile marron : on dirait qu'on leur a jeté un torchon sur la tête. Du coup elles ne voient rien à travers, ce qui n'est pas évident pour marcher dans des rues aux pavés tordus...

La situation des Ouïghours au Xinjiang est difficile : ils se voient progressivement interdire de célébrer certaines de leurs fêtes traditionnelles. Comme beaucoup de pays, la Chine a tendance à confondre Islam et terrorisme...

Demain nous prenons le bus pour Kashgar (3h), où nous allons chatouiller les moustaches du Pakistan. Nous retrouverons nos amies plus tard à Urumqi.

Hox !

Jeudi 4 Août 2005 10:10 Chengdu - Province du Sichuan

Nous sommes à Chengdu (province du Sichuan) depuis mardi matin après... 41h soit 2 nuits de train ! Nous n’avions pas eu le temps de demander la durée du voyage à a gare et nous nous étions préparées à 24h ! Mais le temps est passé relativement vite grâce à nos voisins de couchette (41h ensemble ça crée des liens) et notamment les gamins qui redemandaient toujours plus de chatouilles.

Heureusement après notre séjour en tant qu’hôtes de marque à l'école de Zhongshan, nous avions fait le plein d’énergie : l’école devançait le moindre de nos désirs, s’occupait de nous faire visiter la ville et les environs (guidées par des lycéennes en vacances qui avaient ordre de pratiquer leur anglais) et nous offrait parfois de bons repas (de ce côté-la, nos bases de chinois sont fort utiles).

A bord du train, nous avons encore une fois constaté les progrès en matière d’hygiène : certes nos draps n’étaient pas complètement propres et les cafards sortaient de sous nos couchettes dès la nuit tombée, mais le personnel de bord jetait régulièrement de l'eau bouillante dans les toilettes et passait le balai (à l'état douteux). Nous avons beaucoup pratiqué notre chinois mais là encore tous les enfants (de 4 à 9 ans) savaient compter en anglais, connaissaient les expressions basiques et même une chanson. Aurélie m'a fait remarquer le t-shirt d'un gamin dont les inscriptions en anglais étaient collées à l'envers tandis que l'une de ses chaussures s'appelait "nkie". On peut bien rire mais à mon avis, nous faisons le même genre d'erreurs sur tous nos articles orientalisants.

Dans toutes les grandes villes de Chine que nous avons vues, le centre s'est transformé en un gigantesque centre commercial (avec son lot de McDo, KFC, ses magasins de luxe et ceux plus mass market) et les équipements sportifs (des stades monumentaux) fleurissent en périphérie : la Chine est prête pour les JO 2008 et il faut que ça se voit !

Heureusement on trouve encore quelques petites rues, avec leur alignement de petites échoppes. L’autre soir nous avons mangé des patates pimentées grillées sur un brasero dans la rue : délicieux ! Aujourd’hui nous allons déjeuner dans le resto végétarien d'un temple bouddhiste puis lire un peu à l'ombre du temple en prenant le thé.

Demain matin, nous quittons enfin les villes : nous attaquons la partie la plus difficile, belle et sauvage de notre périple à travers les montagnes (plus de 5000m) et les hauts plateaux tibétains. Bien qu'il ne s'agisse pas de la province du Tibet à proprement parler, nous traverserons les anciens royaumes tibétains, là où la culture chinoise (quoique hégémonique) est supplantée par la culture tibétaine. La meilleure des preuves : on n'entend plus le "ni hao" pour dire bonjour mais le "tashi dele" tibétain qui s'accompagne d'un élégant tirage de langue !

A bientôt. Zaijian !

Samedi 20 Août 2005 16:33 Urumqi - Route de la Soie

Courte pause à Urumqi avant de repartir demain pour Hotan : 25h de bus (enfin on ne sait pas vraiment...) et surtout la traversée nord-sud du désert du Taklamakan.

Hier, en quittant Dunhuang pour prendre le train, nous avons roulé pendant 2h au milieu de paysages lunaires : aucune dune mais des étendues grises, noires, oranges, des montagnes pelées au loin. On se croyait réellement sur la lune ! En plein milieu de nulle part, un homme a fait arrêter le bus et est descendu avec ses sacs de pains et de légumes. Dans cette immensité vide, impossible de deviner où il allait.

Nous n'avions rien à craindre d'une panne de moteur, car à Dunhuang, pour notre dernière soirée avec Yi Xiong, nous avions mangé un troupeau de brochettes de mouton et du pain grillé au barbecue : délicieux ! Au Xinjiang aussi, on va se régaler de riz pilaf et de mouton (pas encore testé les desserts).

Lundi 22 Août 2005 20:32 Hotan - Désert du Taklamakan

Ca y est ! Nous avons traversé le désert du Taklamakan, au prix de 24h de bus-couchettes. Pour filer la métaphore extraterrestre, cette fois nous nous croyions sur Mars : en quittant Urumqi, le paysage est composé de canyons rouges et oranges et les habitations sont très très rares.

Pour arriver à Hotan, nous avons parcouru 2000km en croisant au plus 10 villes fantômes, essentiellement composées de stations essence et de restos routiers. A travers nos fenêtres nous avons vu des troupeaux de chameaux.

Ici le chinois n'est que la langue officielle, les gens parlent ouïghour (mais avec nous, ils sont sympas et parlent chinois). L'hérésie centralisatrice de Beijing se ressent dans un truc tout bête : ici on vit avec deux horloges, l'heure officielle de la capitale et l'heure réelle (2h de moins), il faut donc toujours vérifier de quoi on parle quand on achète un billet de bus.

Demain nous rejoignons Sophia, une étudiante ouïghoure qui nous a mis en contact avec 3 écoles de la région, et son amie Mubarak à Yarkand.

PS : j'ai trouvé le souvenir que j'allais rapporter de Chine : un couteau de cuisine géant qui ressemble à une hache pour couper le poulet comme les chinois (n'importe comment...). British Airways va adorer j'en suis sûre !

Vendredi 19 Août 2005 10:25 Dunhuang - Désert de Gobi

Il y a des noms comme ça qui font rêver... Le désert de Gobi s'est annoncé tout doucement au fil de notre route et, enfin, au détour d'une pause pipi à 6h du matin, nous avons foulé le sable et vu le jour se lever sur les dunes. Nous sommes vraiment sur la Route de la Soie. Hier nous avons visité les grottes bouddhiques de Mogao, hyper touristiques mais on ne pouvait pas passer à côté.

Ce soir, nous nous reposons un peu des effroyables bus-couchettes et nous prenons le train pour Urumqi, au Xinjiang ou Turkestan oriental en terre d'Islam (frontières avec le Kazakhstan et le Pakistan entre autres). C'est la région des Ouïghours, des turcophones qui ont quitté la Mongolie il y a très très longtemps. Là-bas, un autre désert nous attend : le Taklamakan que nous allons traverser en 25h de bus pour rejoindre d'autres étapes de la Route de la Soie.

Nous venons d'achever une semaine de voyage avec un curieux personnage chinois : Mister Wu ou Yi Xiong, sorte d'hybride entre Gaston Lagaffe et Pierre Richard. Nous nous sommes rencontrés dans le bus de Serxu et il repart aujourd'hui pour travailler à Chengdu... avec 4 jours de retard car il n'avait pas calculé qu'il y avait 4 jours de train. Capable de renverser son verre de thé sans même s'en rendre compte (alors que la table est inondée), d'oublier son portefeuille dans un cybercafé (mais quelqu'un lui a rapporté), ce féru d'alpinisme pratique l'escalade (même sur glace) sur les hautes montagnes de Chine mais nous a avoué que son inattention lui a fait faire une chute qui lui a valu 5 vis dans le pied ! Malgré tout, il s'est révélé être un fin négociateur qui ne se laisse pas marcher sur les pieds (en Chine, il vaut mieux, question de survie !). En tout cas, entre son anglais et notre chinois limités, nous avons bien progressé.

Samedi 27 Août 2005 16:37 Kashgar - Ville mythique

Yahximusiz!

Notre dernière soirée à Yarkand aurait fait baver d'envie les poètes orientalistes du 19e siècle. La famille de Sophia nous adoptant petit à petit, nous avons eu l'honneur de manger avec tout le monde, sous la treille (avant nous mangions toutes seules dans la salle réservée aux invités, sur la droite, car ce sont les places honorifiques...), dans la cour intérieure recouverte de vigne. Apres un bon repas (encore ! on n'en peut plus !), au clair de lune, le père a pris le dutar, instrument à deux cordes, et s'est mis à jouer puis à chanter, ce qui a fait hurler de rire ses deux filles et lui aussi. Ensuite il a repris son sérieux et a interprété quelques morceaux traditionnels. Puis ce fut le tour de la mère qui a joué du dutar et chanté d'une belle voix de femme mûre. Moment magique ! Nous avons ensuite dormi dans la salle des invités sur des matelas et des couvertures dorés : un vrai conte des mille et une nuits.

Le lendemain matin, malgré nos protestations, Sophia a grimpé sur le tout nouveau bâtiment qui sert de toilettes et salle de bain à la maison pour mettre de l'eau chaude dans l'énorme jarre qui trône sur le toit afin que nous puissions prendre une douche tiède (elle doit vraiment nous trouver chochottes !). Ensuite, nous avons eu droit a une 'noodles lesson' dans la cuisine (alors là c'est vraiment le privilège de rentrer dans la cuisine !). Les Ouïghours font les nouilles (genre spaghetti) tout à la main, c'est impressionnant !

Nous avons ensuite quitté Yarkand et nos amis pour rejoindre une autre ville mythique : Kashgar. Demain nous verrons le fameux bazar du dimanche de Kashgar. La ville a été en grande partie massacrée par le béton chinois (vraiment, ces Chinois, c'est à croire qu'ils sont nés dans une bétonnière !), mais il reste heureusement quelques rues étroites et tortueuses et de belles maisons ouïghoures. Ici on trouve de tout et Aurélie s'est déjà mis en tête de rapporter en France une magnifique certes mais très lourde (plus de 15kg) ancienne machine à coudre...

Kashgar était censée être une ville difficile pour les femmes occidentales, limite intégriste, et nous étions un peu anxieuses. Mais point du tout ! Toutes les femmes ne sont pas voilées et nous ne ressentons aucune animosité à notre égard, plutôt de la curiosité : les enfants, comme toujours, nous courent après en criant 'hello!' puis s'enfuient dès que nous leur répondons. Quant aux adultes, nos quelques balbutiements ouïghours pour commander des brochettes et du riz les font doucement rigoler... Du coup, nous nous enhardissons et projetons, pourquoi pas, un futur périple au Pakistan. Rassurez-vous, ce n'est pas encore fait!

A bientôt. Hox !

Mercredi 31 Août 2005 17:02
Urumqi - La boucle est bouclée

Nous voilà revenues à Urumqi pour la rentrée des classes et nous supportons actuellement (difficilement) la musique terrible du cybercafé : la reprise des titres occidentaux les plus nuls (genre Titanic) à la flûte de pan électronique... Un vrai bonheur pour les oreilles ! Je préfère, et de loin, la musique ouïghoure aux accents indiens crachée par les haut-parleurs des bus.

Nous avons quitté Kashgar après le bazar du dimanche avec une certaine paranoïa : au Xinjiang, à part à Urumqi, nous avons toujours eu quelques difficultés à consulter internet, les gérants des cybercafés semblaient réticents à laisser 2 Occidentales surfer sur la toile. A Yarkand, Sophia avait dû se porter garante pour nous. Mais à Kashgar, nous n'avons échappé qu'une fois à la vigilance d'un gérant. Apres, il ne voulait vraiment plus nous laisser entrer, comme si nous étions des cyberdissidentes... Nous nous sommes demandées en riant si nos mails ou notre lecture de la presse en ligne y étaient pour quelque chose et nous avons rapidement consulté nos mails à l'hôtel (beaucoup plus cher). Surprise : tout notre carnet d'adresse avait disparu ! Alors là, nous faisions moins les fières et pensions sincèrement être victimes de la censure. Or, point du tout, puisque aujourd'hui tout est à sa place, ce n'était sans doute qu'un bug de Free. Conclusion : le pire dans un Etat autoritaire et sécuritaire c'est l'ambiance paranoïaque qu'il crée et l'autocensure que ça engendre.

Toujours au chapitre des petites entraves quotidiennes à la liberté, nous avons fait un bond dans le temps dans le train de Kashgar à Turfan. Nous avons entendu à plusieurs reprises un bruit de chaînes, comme les fantômes dans les récits fantastiques. Mais là, c'était pour de vrai ! Nous avons vu passer (et repasser, car nous étions sur le chemin des toilettes !) un homme menotté et portant des chaînes aux pieds, sous bonne escorte (4 hommes en civil)!

Nous avons fait une rapide escale à Turfan, ville qui a sans doute connu son heure de gloire sur la Route de la Soie, mais qui n'est plus guère qu'une autre de ces villes chinoises bétonnées où le but est de tirer le plus possible de fric des touristes-vaches à lait... Nous avons donc fui ce matin pour rentrer à Urumqi où nous allons retrouver Sophia et Mubarak à leur université. Vendredi, nous faisons notre rentrée des classes chinoises et nous visitons 2 écoles primaires d'Urumqi puis nous prendrons un train ou un bus de nuit pour rejoindre l'école d'un petit village ouïghour à 9h de là, l'institutrice du village nous invitant à passer la nuit chez elle.

Dimanche 4 Septembre 2005 13:01
Lapchuq - La révélation du raisin sec

Nous sommes dans une banale ville bétonnée chinoise du nom ouïghour de Kumul (nom chinois : Hami), une ville en dessous du niveau de la mer au milieu du désert (on commence à avoir l'habitude).

Vendredi, nous avons visité, avec Sophia et Mubarak, notre première école primaire à Urumqi. Nous avons été accueillies dans les règles de l'art, selon un protocole très élaboré : tout d'abord, réception autour d'une table ronde remplie de fruits par le directeur (ouïghour) de l'école (ouïghoure), les professeurs (aussi ouighours) et ... la représentante du Parti (chinoise, enfin Han, bien sûr). Eh oui, depuis 5 ans, le Parti doit être présent dans chaque école ! Ensuite nous avons retrouvé les enfants qui ont présenté des chants et danses traditionnels. Ils nous ont invitées à les rejoindre dans la danse : Aurélie s'est cachée derrière son appareil photo et je me suis retrouvée à singer des danses où l'influence indienne est perceptible. Enfin, avant de partir, nous avons trempé nos mains dans de la peinture fraîche et laissé notre empreinte. Résultat : nous avons gardé les mains bleues et vertes pendant 2 jours !

 

L'après-midi, au cours du traditionnel shopping avant le train de nuit, nous avons éprouvé quelque frisson lorsqu'un gars a essayé de faire les poches à Aurélie. Il n'a pas eu le temps d'accomplir son forfait mais nous l'avons fixé du regard en partant. Un peu plus tard, au même endroit, je revois les mêmes gars la main dans le sac d'un Chinois. Sans réfléchir, je crie. Mais Sophia me dit de me taire : ici les pickpockets sont armés de couteaux et la vie ne vaut pas grand chose, donc les gens ferment les yeux... Trop tard pour moi, les gars nous suivent quelques minutes, de quoi nous effrayer.

Le soir, nous prenons un train de nuit en classe 'assis-dur' (ca porte vraiment bien son nom) car samedi nous avions rendez-vous avec l'école d'un tout petit village ouïghour dans les environs de Kumul. Apres une nuit à tenter de voler quelques instants de sommeil, nous avons été accueillies avec beaucoup de gentillesse par les enfants et l'institutrice. Là encore, chants et danses traditionnels en notre honneur : Aurélie s'est enfin retrouvée sous les feux de la rampe à danser face à l'instit ! Puis ce fut à notre tour de chanter quelque chose de chez nous : tout ce qui m'est venu à l'esprit c'est le 'Chant des partisans'. Ici, en plein Xinjiang, c'était plutôt de bon ton !

Après une sieste bien méritée chez l'instit, notre hôte, nous avons reçu de multiples visites des gens du village qui en profitaient car c'était la première fois qu'ils voyaient des étrangers en vrai, pas seulement à la télé ! Nous avons aussi été invitées dans de nombreuses maisons qui sentaient bon le raisin. Et c'est ainsi que nous avons compris comment on fait le raisin sec (il y a deux ans, nous découvrions comment pousse le riz...). Dans toutes les maisons sont pendues des grappes de raisin à sécher. Dans cette oasis au milieu du désert, les jardins sont luxuriants : raisins, abricots, pêches, dattes fraîches que nous cueillons à même l'arbre. Et dans chaque maison, on nous apportait de nouveaux plats à manger. Bref, ce fut vraiment comme dans les récits des voyageurs du début du siècle (l'autre, le 20è !).

Nous prenons un bus de nuit pour Urumqi ce soir et espérons avoir le temps de prendre une douche avant de visiter notre dernière école au Xinjiang lundi matin.

Samedi 10 Septembre 2005 19:48
Shanghai - La Chine des Chinois

Nous avons quitté avec tristesse nos amies et la Chine des Ouïghours (... et les bons pains, gateaux et plov - riz au mouton et légumes) pour retrouver la Chine des Chinois.

De retour à Chengdu pour visiter une école, nous avons fait un crochet par Jintang, magnifique ville aux 3 rivières pas du tout touristique, où nous avons été reçues par Yi Xiong, notre Gaston Lagaffe local rencontré au mois d'août. Ses parents nous ont hébergées dans leur magnifique et immense appartement (bien dissimulé derrière une façade d'immeuble et une cage d'escaliers dignes des Minguettes) fourni par le gouvernement (ah, c'est sûr, en Chine ils sont heureux les fonctionnaires !).

Nous avons aussi retrouvé Tequila (!), une étudiante rencontrée elle aussi au mois d'août dans les montagnes du Kham tibétain. Elle a eu la délicieuse attention de nous inviter à manger une fondue sichuanaise, un des plats les plus épicés du monde. Nous avons été enchantées en voyant arriver le plat qui ne contenait que des têtes de poisson et du piment ! Maux d'estomac assurés.

L'école de Chengdu étant carrément en retard dans la réalisation des dessins, nous avons dû mener les élèves à la baguette (ah ah) afin qu'ils s'exécutent en 40 minutes ! Mission accomplie. Il ne nous reste que 2 écoles à visiter à Nanjing, à 3h de Shanghai où nous sommes à présent. Le retour approche irrémédiablement.

Mardi 13 Septembre 2005 20:21
Nanjing - Notre premier typhon

Un vent de folie soufflait sur Nanjing lors de notre passage hier: non seulement un typhon faisait rage depuis deux jours (vent et pluie bien sûr, comme si on nous jetait un seau dans la figure), mais en plus l'organisation de notre visite des écoles s'est avérée fort hasardeuse. Résultat : nous avons débarqué à 8h du matin comme deux cheveux dans la soupe. Jamais personne n'avait entendu parler de notre projet et bien sûr aucun dessin n'était prêt : merci à notre contact ! Heureusement, ce qui est bien en Chine, c'est que les gens s'adaptent très vite à n'importe quelle situation, bonne ou mauvaise. Ainsi, nous avons pu remplir honorablement notre mission et repartir avec les dessins fraîchement réalisés sous le bras.

 

Comme tout n'est jamais noir dans la vie, nous avons été hébergées par la mère de notre contact défaillant, ce qui nous a permis de connaître autre chose que l'appartement ultra luxueux d'Yi Xiong. Pourtant la mère est aussi une fonctionnaire, mais elle est seulement prof : ici comme ailleurs, les profs ne sont pas les premiers servis... Quoiqu'il en soit, l'hospitalité ne dépend pas des revenus et nous avons été, comme toujours en Chine, très bien accueillies. Pour faire honneur à la maîtresse de maison, il convient ici aussi de manger. Mais là, elle nous met carrément quelque chose dans la bouche et il n'y a aucune possibilité d'échapper à l'injonction : "chi ! mange !".

Chez Yi Xiong, nous avions eu droit à un petit déjeuner spécial : notre ami avait expliqué à sa mère que les Françaises ne mangeaient que du sucré le matin. Elle nous a donc gentiment proposé de saupoudrer les oeufs sur le plat de sucre ! Heureusement, nous avons réussi à la retenir à temps. A Nanjing, nous pensions nous régaler en voyant un petit pain que nous avions déjà testé ailleurs : surprise ! Celui-là avait été préalablement trempé dans la graisse de porc ! Nous n'avons pas eu le choix et notre lait a eu du mal à dissimuler le goût.

A la gare de Nanjing, un jeune homme m'a expliqué que sa passion dans la vie était le marketing car son but est de gagner des millions. Je trouve qu'il symbolise plutôt bien toute une partie de la population qui a pris au pied de la lettre le mot d'ordre de Deng Xiaoping : "Enrichissez-vous !". A la télé chinoise, nous avons entendu un super chef d'entreprise et prof d'économie dire qu'aujourd'hui chaque Chinois est un entrepreneur. C'est tout à fait ça. Mais ça n'enlève rien à la générosité spontanée des personnes que nous rencontrons souvent. Hier encore, alors que nous cherchions de la monnaie dans nos poches, une jeune fille a payé nos billets de bus.

Bref, il nous reste encore beaucoup à découvrir sur ce grand pays (cf. la première leçon de chinois : "zhonguo hen da - la Chine est grande").
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Photo: Mubarak Ayup
Photo: Mubarak Ayup
Photo: Sophia Osman